Coudre et tricoter à l’université

HomeEducation

Coudre et tricoter à l’université

C’est une expérience unique en son genre à laquelle se sont prêtées trois enseignantes à l’université de Mercer aux États-Unis : étudier le tissu «&

Journalism Schools Need to Modernize; Sociologists Can Help

C’est une expérience unique en son genre à laquelle se sont prêtées trois enseignantes à l’université de Mercer aux États-Unis : étudier le tissu « sous toutes ses couleurs ». L’expression n’a rien de métaphorique, puisque le cours qui lui est dédié dans le département des études féministes allie la dimension théorique à celle pratique, en travaillant sur toutes les phases de vie d’un tissu jusqu’à sa teinture avec des couleurs naturelles.

L’histoire a commencé avec la professeure Mary Ann Drake, qui avait l’habitude d’occuper ses mains avec le tricot pendant les réunions et les rencontres diverses dans l’enceinte de l’université. Attisant la curiosité des jeunes étudiants, ils ne manquaient pas de s’attrouper autour d’elle pour lui poser des questions diverses, à commencer par le plus banal : « Pourquoi faites-vous cela ? »

Et « de fil en aiguille », métaphorique celle-ci mais très édifiante sur cette relation entre notre langage et nos métiers depuis des siècles, Dr. Drake a réalisé elle-même que les questions et les réponses dépassent le sujet de tricot, pour aborder l’histoire de tissage, les différents types de fils et tissus, leurs fabrications et colorations, les mains qui les avaient réalisées au cours de l’histoire, et surtout la symbiose entre notre effort mental et manuel dans l’exécution de chaque œuvre que l’on réalise.

De ces échanges avec les étudiants, l’idée d’un cours dans le département a germé dans sa tête, et elle l’a réalisé à partir de 2009 avec deux autres membres de son département, en l’intitulant : « La culture et l’art de tissu ».

Pendant les séances du cours, les étudiants n’apprennent pas seulement à tricoter, mais à filer la fibre, en commençant par élever des vers à soie, produire des fils, pour finir par teindre divers types de fibres qu’ils vont ensuite tricoter ou tisser.

Les enseignantes ont amené un énorme métier à tisser dans la classe et elles ont invité des maîtres fileurs maitrisant une variété de techniques de filage pour initier les étudiants à la technique. Ceux-là ont ainsi appris la valeur du processus de manipuler un énorme métier à tisser, la patience et le travail d’équipe requis pour un tel processus. Ensuite ils et elles étaient encouragés à faire filer suffisamment de fibres pour pouvoir tisser, tricoter ou crocheter.

Ils ont surtout pu constater comment la fibre naturelle brute devient fibre pour l’artisanat, un incroyable tour de magie pour beaucoup d’entre eux. De plus, leur travail manuel faisait écho aux discussions théoriques du cours, dans lequel les étudiants apprennent comment une simple ficelle peut se transformer en tissu par la volonté et l’ingéniosité humaine.  Cette ficelle a habillé l’homme depuis des siècles, elle l’a renforcé et préservé face aux aléas de la nature, le libérant tout particulièrement de sa quête permanente de conquérir la peau des animaux pour se couvrir.  C’était une « arme invisible » qui a « permis à la race humaine à conquérir la terre » d’après une citation de l’un des œuvres de référence, dédié à l’histoire de tissage et étudié en classe.

Ce travail a été réalisé par les femmes depuis la nuit des temps. Les étudiants ont appris que des siècles durant, les femmes ont vêtues, logées, troquées et enrichies l’économie de nos coffres. Ils ont compris et admiré le travail de la femme tisseuse et la transmission de ce savoir-faire qu’elle a entreprise à travers l’histoire, et qui est toujours en usage dans l’industrie d’aujourd’hui. Mieux encore, la maîtrise de l’artisanat de tricot, crochet, tissage, teinture de la fibre nous dote des compétences singulières pour contribuer aux arts créatifs contemporains.

Un de livre de référence dans le cours est celui d’Alla Myzelev, sous un titre révélateur : “Fouettez votre hobby”. Elle écrit : “Consacrer du temps à ces traditions et à leurs activités chronophages favorisent l’idée d’un choix conscient, d’être en charge de sa vie et de son temps”.

De son côté, Jean Railla une jeune blogueuse, qui a lancé il y a quelques années le site « getcrafty.com » écrit : « Le tricot permet une re-signification, pas tant comme un travail domestique, mais surtout comme un plaisir et un acte de prendre soin de soi. »

Le plus surprenant était sans doute la participation de jeunes étudiants masculins à ces cours avec beaucoup d’enthousiasme. Ils se sont donnés à cœur joie à la tâche : à tricoter, à tisser des plaids et des tapis, et à colorier les fils. 

Après tout on se demande pourquoi les hommes n’aimeraient-ils pas tricoter leurs pulls, leurs gants, ou leurs bonnets à leur goût ? Pourquoi n’aimeraient-ils pas s’habiller ou choisir  le tissus de leur intérieur en connaissance de cause ? 

Heureusement aujourd’hui beaucoup d’hommes à travers le monde s’y mettent et publient leurs travaux sur les réseaux sociaux et avec beaucoup de fierté.