Femmes Entrepreneuses au Liban

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Femmes Entrepreneuses au Liban

Partout dans le monde où il y eu des politiques de restructuration économique ou suite aux crises économiques majeures comme celles des dernières déc

تابروير أو قصة صعود وانهيار امبراطورية شيّدتها النساء
Leila
« Je me consacre entièrement à mon entreprise. Mon mari s’occupe de notre bébé ! »

Partout dans le monde où il y eu des politiques de restructuration économique ou suite aux crises économiques majeures comme celles des dernières décennies, l’entrepreneuriat a prospéré. Les raisons étant les politiques d’austérité, la baisse des subventions de l’Etat, et la réduction des opportunités de travail aussi bien dans le secteur public que privé. Face à ces crises, une partie de la population active a recours à la création de son propre emploi. Ce  phénomène récent se développe parmi les femmes, qui sont les plus vulnérables, les plus touchées par le licenciement, les bas salaires et le travail précaire ou inexistant. 

Au Liban, ce phénomène a pris des envergures qui amplifient ses traits les plus marquants permettant de mieux les cerner et les analyser. Les raisons sont dues principalement à la brutalité de la crise économique résultante de la guerre civile (1975-1990), à la violence du déclassement social (la majorité de la classe moyenne a été appauvrie du jour au lendemain après la guerre), et par conséquence, à la fin du modèle “homme pourvoyeur” – “femme au foyer”. Un modèle qui a longtemps perduré dans ce pays.

L’entrepreneuriat féminin: Un phénomène nouveau

L’entrepreneuriat a toujours été l’apanage de l’homme que ce soit dans la littérature savante ou dans l’imaginaire populaire. Dans les faits aussi ; beaucoup plus d’hommes que de femmes ont historiquement et jusqu’à nos jours choisi d’entreprendre – leur choix étant à fortiori facilité par les normes sociales. Ainsi, dès que l’on a inventé le concept “Entrepreneur”, c’était de l’homme que l’on parlait. Des femmes entrepreneuses[1], il y en a toujours eu, mais elles apparaissaient comme des exceptions – des “femmes exceptionnelles” même – qui confirmeraient la règle.


L’expansion de l’entrepreneuriat féminin annonce un revirement historique. Dans les deux dernières décennies, l’entrepreneuriat n’est plus abordé comme un concept neutre, autrement dit masculin. Le genre étant devenu une variable clef dans les études qui lui sont dédiées. Les femmes entreprennent massivement, réussissent dans les affaires, font face à des défis et en posent d’autres à la société, aux hommes et aux pouvoirs publics. De ce fait, leur expérience enrichit les approches des sciences sociales sur les questions de relations entre le genre et le travail, ainsi que celles concernant les droits des femmes et les inégalités qu’elles subissent.


Cet entrepreneuriat ne s’est pas produit comme une évolution normale du travail féminin, ou comme une variété dans la diversité de leurs activités professionnelles, comme c’était le cas pour les hommes. Le phénomène résulta du fait que les femmes, tout particulièrement dans les “pays du Sud”, sont restées massivement en dehors du marché du travail moderne tout au long du vingtième siècle. Elles ont choisi l’entrepreneuriat faute de mieux, mais ont, par ce choix même, eu l’occasion d’exprimer des compétences enfouies, de se réaliser et de remettre au goût du jour des savoir-faire longtemps conservés ou exclusivement produits à domicile. Ces derniers prennent une valeur prééminente dans nos sociétés actuelles.


Autrement dit, la progression de l’activité entrepreneuriale parmi les femmes s’est produite dans ces pays principalement parmi les couches sociales les moins lotis économiquement. Elle est de ce fait considérée comme étant en même temps un résultat et un remède à la pauvreté. Malgré les analyses qui postulent que le micro-entrepreneuriat pérennise la paupérisation des femmes, ses retombées positives ne manquent pas, ne serait-ce que par le fait qu’il a permis aux femmes de créer leur propre emploi à un moment où les pouvoirs publics et le capital privé ont défaillis.

Au Liban (…) [L]’entrepreneuriat féminin constitue une double réponse économique à la crise du salariat d’un côté, au déclin du revenu masculin/chômage de l’homme de l’autre. De ce fait, il est transposé au niveau des représentations sociales du genre. La femme acquiert, par son biais, une identité sociale et la représentation qui l’accompagne, elle obtient davantage de pouvoir à l’intérieur de son foyer, à l’égard de son mari et jouit d’avantage de liberté de mouvement. En cela, elle crée un chamboulement majeur dans les rapports sociaux de sexes.


D’un autre côté, la femme s’empare de l’initiative économique en entreprenant, au même titre que l’homme et affaiblit du même coup son pouvoir symbolique. L’entrepreneuriat étant dans ce pays un domaine masculin consacré. Nous assistons également à la renégociation du pouvoir traditionnel féminin basé sur le rôle et l’image de la mère-épouse dévouée ou aspirant à l’être. L’entrepreneuse représente un exemple gratifiant socialement en se démarquant de son rôle et de son image traditionnels.


Les femmes n’étaient pas faibles dans l’équation traditionnelle des arrangements entre les sexes au Liban. En effet, le modèle “homme pourvoyeur”/”femme au foyer”, même discriminatoire à leur égard d’un point de vue économique, ne les discréditait pas socialement. Au contraire, il les valorisait en tant qu’épouses et mères. En d’autres termes, elles prenaient soin de leurs familles et en retiraient, en revanche, un pouvoir social et  symbolique. Qui plus est les femmes libanaises avaient une présence réelle dans l’espace public, parfois comme gérante des affaires de leurs familles. Les entrepreneuses vont mettre ces avancées au profit de leurs projets.


En plus du recul du pouvoir économique de l’homme, la guerre-civile a offert aux femmes plus d’opportunités d’acquérir un pouvoir social. L’absence de l’homme fût physique et symbolique durant cette période. Les hommes firent preuve de violence les uns contre les autres, épargnant les femmes, considérées comme faibles et insignifiantes par rapport aux enjeux de leur guerre. Ceci a permis à la femme de se transformer, du jour au lendemain, en protectrice de l’homme, elle, qui était censée être sa protégée. C’est elle qui l’accompagnait dans ses déplacements, puisqu’elle pouvait s’interposer entre lui et les hommes armés, c’est elle qui le cachait, et qui intervenait pour désamorcer les querelles entre hommes en évitant qu’ils dégénèrent en conflits meurtriers. Ainsi les femmes ont largement occupé l’espace public durant la guerre.

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